Lettre au ministre Mendicino sur la proposition de registre visant la transparence en matière d’influence étrangère

L’honorable Marco E. L. Mendicino
Ministre de la Sécurité publique
Chambre des communes Ottawa (Ontario)

Monsieur le Ministre,

Je vous écris pour vous faire part de mes commentaires sur la proposition de registre visant la transparence en matière d’influence étrangère. Compte tenu de l’importance de cette question et de mes préoccupations quant aux motivations qui sous-tendent un tel registre, je rendrai cette lettre publique.

Je comprends que votre ministère ait lancé une consultation et qu’il sollicite des commentaires sur six questions précises. Avec tout le respect que je vous dois, ce ne sont pas les bonnes questions. Nous devrions plutôt déterminer le problème spécifique que le registre tente de résoudre et vérifier si la solution proposée crée plus de mal que de bien.

Quel est le problème?

Votre document de consultation indique clairement que le problème est l’« ingérence étrangère », dont l’« influence étrangère malveillante » est un sous-ensemble.

L’exemple d’ingérence étrangère fourni dans le document est un exemple où le harcèlement et l’intimidation des communautés canadiennes inspirent la peur, réduisent au silence les dissidents et exercent des pressions sur les opposants politiques. Ces actes sont en effet inacceptables, mais le harcèlement et l’intimidation constituent déjà des infractions en vertu de l’article 423 du Code criminel. Si un acteur étranger ou son mandataire se livre à des actes de harcèlement et d’intimidation, il doit être poursuivi. Le fait que de tels actes puissent avoir lieu en toute impunité donne à penser qu’il faut appliquer la loi plus sévèrement ou adopter des lois plus strictes, plutôt que de mettre en place un registre de l’influence étrangère.

Le document de consultation tente de justifier la création d’un registre pour traiter également les cas d’« influence étrangère malveillante », mais il reste vague sur ce qui constitue une influence malveillante. L’exemple spécifique donné dans le document m’a fait frissonner. Le voici dans son intégralité :

Une personne physique, employée par un gouvernement étranger, demande à un éminent universitaire canadien d’écrire un éditorial dans lequel il s’oppose à l’approche du gouvernement du Canada à l’égard d’un enjeu international particulier et exhorte les Canadiens à exprimer leur désaccord. L’universitaire rédige un éditorial qui est publié dans un journal national largement diffusé. On demande également à l’universitaire de mobiliser des groupes d’étudiants sur le campus pour défendre un point de vue favorable au gouvernement étranger. L’universitaire ne divulgue pas sa relation avec la personne physique employée par le gouvernement étranger. Il s’agit d’un exemple d’influence étrangère malveillante, car les activités d’influence sont entreprises en secret. Les intérêts étrangers représentés dans l’article, et dans la mobilisation des groupes d’étudiants, ne sont pas transparents.

Le cas décrit dans cet exemple porte atteinte à de nombreuses valeurs chères aux Canadiens, notamment l’internationalisme et l’ouverture sur le monde, la liberté d’association, la liberté d’expression et la liberté de pensée. Il dépeint également les Canadiens qui ont des interactions avec des gouvernements étrangers comme des dupes serviles qui n’ont aucune capacité de jugement individuel et d’action. On pourrait tout aussi bien considérer la rencontre d’un universitaire de renom avec un fonctionnaire étranger comme un exemple de l’influence du Canada sur ce pays. Comment se fait-il que nous soyons devenus si peu sûrs de nous que nous n’envisagions chaque rencontre avec un gouvernement étranger que sous l’angle de l’influence de « l’étranger » sur nous, et non l’inverse?

On peut s’attendre à ce qu’un universitaire qui travaille sur des questions liées à un pays étranger rencontre occasionnellement des représentants de ce pays. Il ne faut pas non plus s’étonner que des experts sur des questions très éloignées du Canada écrivent sur ces questions avec un degré de nuance qui échappe souvent au public national, mais qui peut être plus conforme aux vues d’un gouvernement étranger. Le fait que ce même universitaire partage de telles opinions avec des groupes d’étudiants fait partie du travail d’enseignant et ne constitue pas un acte de subversion.

À moins que le gouvernement ne considère comme illégales les interactions avec certains gouvernements étrangers, il sera impossible de déterminer si un article d’opinion rédigé par un Canadien à la suite d’une rencontre avec un représentant d’un gouvernement étranger constitue un cas d’« influence étrangère malveillante ». Dans de telles circonstances, il est probable que l’article d’opinion sera considéré comme « malveillant » en raison des opinions exprimées dans l’article plutôt que sur la base de preuves solides d’« arrangements ». Cela équivaut à une définition de la « malveillance » qui n’a rien à voir avec l’ingérence étrangère, mais tout à voir avec les opinions d’une
personne. C’est une perspective aussi effrayante que celle que l’on associe aux régimes autoritaires et répressifs.

La mauvaise solution

C’est là toute l’ironie d’un projet de registre des influences étrangères qui vise ostensiblement à contrer l’ingérence des régimes autoritaires. De nombreux Canadiens qui ont grandi sous de tels régimes m’ont fait remarquer que le registre proposé ressemble à ce qu’ils ont subi – et qu’ils sont venus au Canada pour y échapper.

Il existe une autre façon de définir l’influence étrangère « malveillante », à laquelle le document de consultation fait allusion. Il s’agit de ne qualifier de nuisibles que les idées et les points de vue provenant de certains pays. Ces pays sont qualifiés d’« autoritaires » ou de « non démocratiques », ou de pays « ne partageant pas nos valeurs ». Selon cette conception, le registre ciblerait une liste de ces pays et inclurait essentiellement toutes les entités étatiques et non étatiques, en partant du principe que toutes les entités sont potentiellement soumises à la direction et au contrôle du gouvernement.

Il s’agit d’une approche « fourre-tout » qui affectera des dizaines de milliers de Canadiens qui entretiennent des liens avec les pays désignés. Elle les obligera soit à s’enregistrer, soit à rompre leurs liens avec leur pays d’origine. Il pourrait s’agir, par exemple, de liens avec des associations d’anciens élèves, des groupes culturels et sportifs, des clubs d’affaires, des municipalités et des organismes de parenté.

Cette approche entraînera de nombreuses zones d’ombre où la nécessité de l’enregistrement sera laissée à l’appréciation du ministère. En l’absence de toute preuve d’accords matériels avec un État étranger, il est inévitable que le critère de l’enregistrement s’appuie sur l’opinion de l’individu ou de l’organisation. Cela revient encore une fois à définir l’ingérence étrangère comme des opinions jugées inacceptables par le gouvernement en place. Bienvenue dans le registre des activités non canadiennes.

Même si de nombreuses personnes et organisations sont exemptées de l’enregistrement sous un gouvernement, rien ne garantit qu’elles ne seront pas obligées de s’enregistrer sous un autre. Quoi qu’il en soit, le problème fondamental de cette approche ne réside pas dans le nombre d’entités qui se retrouvent dans le registre; il réside dans la stigmatisation de ceux sur qui la menace de l’enregistrement plane toujours, et dans l’effet paralysant qui touche le discours civique et la participation politique de communautés entières.

Le sentiment anti-Chine alimente la haine à l’endroit des Asiatiques

Nous constatons déjà cet effet chez les Canadiens d’origine chinoise en particulier, en raison des allégations incessantes et non étayées de sources anonymes concernant des cas d’ingérence étrangère impliquant des politiciens canadiens d’origine chinoise et des circonscriptions où les Canadiens d’origine chinoise sont nombreux. Il n’y a rien de raciste à critiquer la Chine ou à mettre en lumière des cas avérés d’ingérence étrangère dans les affaires intérieures du Canada. Toutefois, la remise en question persistante de la loyauté des Canadiens d’origine chinoise, fondée sur peu ou pas de preuves, est empreinte de racisme. Il est honteux que les dirigeants politiques de tous bords aient appuyé et encouragé les calomnies et les insinuations perpétrées par des journalistes irresponsables et sans principes.

Le fait que votre gouvernement ait à plusieurs reprises fait de vagues commentaires sur la menace d’ingérence étrangère, sans préciser ce que sont ces actes, n’est pas d’un grand secours. Les Canadiens, en particulier les minorités racisées, ne peuvent pas empêcher l’ingérence étrangère s’ils ne savent pas de quoi il s’agit. Si l’on en croit les médias, rencontrer des diplomates chinois, faire campagne pour des candidats « amis » de la Chine et s’opposer au registre des agents étrangers sont des exemples d’ingérence étrangère. Sont-ils des exemples d’ingérence étrangère?

La montée de la haine envers les Asiatiques depuis 2019 fait l’objet d’un large consensus et les dirigeants de tout l’échiquier politique sont unanimes pour la condamner. Pourtant, très peu ont le courage d’admettre que le plus grand facteur contribuant au racisme envers les Chinois et les autres Canadiens d’origine asiatique est le sentiment anti-Chine. Le registre proposé est motivé par ce même sentiment, et personne ne se soucie de savoir s’il fonctionnera et quels en seront les effets négatifs pour les Canadiens.

L’influence étrangère fait partie de ce qui définit le Canada

En optant pour un registre de l’influence étrangère plutôt que de préciser ce qui est considéré comme une ingérence étrangère inacceptable, le gouvernement admet qu’il ne peut pas facilement faire la distinction entre une influence étrangère bénigne et une influence étrangère malveillante. Il préfère courir le risque de stigmatiser les Canadiens pris dans les mailles d’un registre plutôt que de donner des exemples d’influence étrangère malveillante qui pourraient ne pas constituer une ingérence étrangère. Il s’agit autant d’un problème de sources d’influence étrangère que d’un problème de contenu. Un registre qui se concentre uniquement sur l’influence étrangère exercée par des États autoritaires omet les influences exercées par d’autres États et par des acteurs non étatiques qui sont certainement beaucoup plus importants sur le plan de la taille et de la portée. Suggérer que cette dernière catégorie d’influence étrangère est petite et essentiellement bénigne est d’une naïveté extrême. En d’autres termes, l’influence étrangère au Canada est omniprésente, comme il sied à une économie ouverte qui valorise l’internationalisme et s’enorgueillit d’être un pays d’immigrants et de multiculturalisme. Il est futile et nuisible d’essayer de catégoriser les types d’influence étrangère en utilisant des facteurs simplistes tels que le pays d’origine et le type de gouvernement.

La règle d’or

Ne créez pas un registre étranger pour les activités d’autres pays que vous ne voudriez pas que d’autres pays créent pour les activités du Canada à l’étranger.

Les parlementaires, diplomates et autres fonctionnaires canadiens ont l’habitude de s’adresser aux intervenants à l’étranger pour leur parler de questions importantes pour le Canada. En effet, nos agents du service extérieur cherchent activement à influencer le processus décisionnel des pays étrangers en faveur des intérêts canadiens. Pour ce faire, ils s’entretiennent non seulement avec des représentants du gouvernement, mais aussi avec des universitaires, des chefs d’entreprise et des dirigeants de la société civile, voire des dissidents, toujours dans le respect des lois du pays dans lequel ils opèrent. Nous devrions attendre la même chose des représentants étrangers au Canada, et les transgressions commises par des agents étrangers sur le sol canadien devraient être sanctionnées.

Mais exiger l’enregistrement de l’influence étrangère liée à l’État au Canada ouvre la porte à des actions réciproques de la part d’autres pays, ce qui pourrait être très problématique pour les entreprises, les ONG, les universitaires et les travailleurs humanitaires canadiens à l’étranger. C’est d’ailleurs sur cette base que l’UE a protesté (à juste titre) contre une récente proposition de loi sur les agents étrangers en Géorgie, mais cela souligne également l’hypocrisie du principe des deux poids deux mesures dans les types d’influences étrangères qui sont jugées acceptables et celles qui ne le sont pas. Comment pouvons-nous nous opposer à ce qu’un gouvernement étranger encourage sa diaspora à participer aux élections canadiennes (sans favoritisme, coercition ou corruption) alors que nous finançons des activités de promotion de la démocratie dans le monde entier?

Qu’en est-il du Groupe des cinq?

Les partisans d’un registre se plaisent à rappeler l’existence d’une législation similaire aux États-Unis et en Australie et à demander pourquoi le Canada n’a pas suivi le mouvement.

Ce n’est pas la bonne question. Nous devrions plutôt nous demander si l’expérience américaine et australienne a permis de réduire l’influence et l’ingérence étrangères malveillantes, et si ces avantages l’emportent sur les coûts liés au poids mort bureaucratique, à la stigmatisation sociale et à un environnement politique toxique. Je pense que les coûts d’un registre des agents et de l’influence étrangers sont bien plus importants que les maigres avantages qui en découleraient. Voici un test simple : L’influence étrangère malveillante a-t-elle diminué aux États-Unis depuis l’adoption de la Foreign Agent Registration Act (FARA) de 1938?

Un exemple récent montre les dangers d’un excès de pouvoir du type de celui de la FARA. À l’instigation d’un sénateur et d’un membre du Congrès américain, le China Project, un portail d’information en ligne consacré à la Chine contemporaine et aux relations entre les États-Unis et la Chine, a été inscrit sur la liste prévue par la FARA. Cette campagne n’était pas fondée sur des preuves de liens matériels avec le gouvernement chinois, mais, semble-t-il, sur le contenu du China Project et les antécédents de ses dirigeants. Il s’avère que non seulement cette organisation n’est pas affiliée au gouvernement chinois, mais que ses messages et ses podcasts sont interdits en République populaire de Chine.

L’exemple australien est tout aussi décourageant. Le Foreign Influence Transparency Scheme (FITS) de Canberra est largement perçu comme une « liste noire », ce qui nuit à la réputation des personnes inscrites et a un effet dissuasif sur les interactions étrangères bénignes en Australie. Selon certains, les activités d’ingérence étrangère en Australie n’ont jamais été aussi nombreuses, alors que le FITS est en place depuis plus de quatre ans. Si certains plaident en faveur d’un renforcement du FITS, la conclusion la plus intuitive est que le système d’enregistrement n’était pas le bon outil pour lutter contre l’ingérence étrangère.

Nous ne sommes pas les États-Unis ou l’Australie

Il existe une autre raison pour laquelle le Canada ne devrait pas suivre l’exemple des États-Unis et de l’Australie. En effet, nous ne sommes ni les États-Unis ni l’Australie, qui ont tous deux une histoire et une philosophie différentes en matière de relations raciales.

Le Canada n’est pas dépourvu d’une sombre histoire de racisme, d’abord et avant tout à l’égard des peuples autochtones, mais aussi des Juifs, des Irlandais, des Ukrainiens, des Doukhobors, des Italiens, des Sikhs, des Japonais, des Tamouls, des Hindous, des Chinois et bien d’autres encore. Mais aujourd’hui, nous célébrons le fait que le Canada est un pays d’immigrants et que nous embrassons le concept de multiculturalisme. Si le multiculturalisme doit être autre chose qu’un slogan, il doit signifier que nous n’interprétons pas « étranger » comme signifiant « suspect », ou pire, « menaçant ». Il doit également signifier la détermination de nos dirigeants à promouvoir une culture politique qui cherche à distinguer les influences positives et négatives sur notre société par l’ouverture, l’éducation et le dialogue, plutôt que par la censure et la stigmatisation. En faisant cette remarque, je m’adresse non seulement à votre gouvernement, mais aussi à l’ensemble de la classe politique, qui s’est rendue complice d’un jugement hâtif sur les questions d’ingérence étrangère et qui a fait preuve de complaisance à l’égard des risques de dépassement des limites de la sécurité nationale.

Si nous voulons tirer une leçon du Groupe des cinq, nous devrions nous tourner vers la Nouvelle-Zélande, qui envisage discrètement de renforcer ses lois pour lutter contre les interférences étrangères nuisibles, plutôt que de créer un registre qui ne fera rien ou presque pour résoudre ces problèmes.

Au lieu d’imiter les Américains, enfermés dans une rivalité géostratégique avec la République populaire de Chine, nous devrions envisager la voie qui a toujours distingué le Canada de son voisin du sud, plus ouverte sur le monde, plus axée sur la cohésion sociale, plus intéressée par les droits des minorités et moins encline à la démesure idéologique. Dans vingt ans, j’aime à penser que nous pourrons nous souvenir de 2023 comme nous nous souvenons de 2003, lorsque le Canada a résisté aux pressions américaines pour participer à l’invasion de l’Iraq. Il ne s’agit pas de tourner le dos aux Américains, mais de poursuivre ce que nous pensons être juste pour le Canada.

Cent ans après la Loi de l’exclusion chinoise

En l’état actuel des choses, nos meilleurs instincts ont déjà été compromis par une rancoeur extrême contre les Chinois qui a débordé sur la stigmatisation toxique des Canadiens qui ne partagent pas ces opinions ou qui sont associés à la République populaire de Chine en raison de leur ascendance, de leurs liens d’affaires ou de leurs intérêts professionnels. La publication récente dans les médias de rapports anonymes et non fondés sur le « renseignement » concernant la Chine a suscité une frénésie d’insinuations à l’encontre de politiciens, d’universitaires et de dirigeants communautaires canadiens d’origine chinoise, le tout au nom de la sécurité nationale. L’ignorance, le zèle idéologique, la peur, la pensée de groupe et la lâcheté politique ont créé les conditions dans lesquelles un registre d’influence étrangère est le plus dangereux et contre lequel nous devons mettre en garde.

L’ironie du sort veut que les discussions autour d’un registre des influences étrangères aient lieu à l’occasion du 100e anniversaire de la promulgation de la Loi de l’immigration chinoise. À l’époque, les activistes chinois avaient pris l’habitude de l’appeler la « Loi de l’exclusion chinoise » en raison de l’interdiction quasi totale de l’immigration de Chinois au Canada entre 1923 et 1947. Mais ils auraient tout aussi bien pu l’appeler « Loi sur l’enregistrement des Chinois », car la loi exigeait que tous les Chinois au Canada s’enregistrent dans les 12 mois suivant sa promulgation, sous peine d’amendes, de prison et/ou d’expulsion. Même après s’être enregistrés, les Chinois du Canada étaient soumis à l’humiliation d’un harcèlement constant de la part des agents chargés de l’application de la loi, qui contestaient l’authenticité des certificats d’enregistrement.

Certes, un registre moderne n’entraînerait pas l’enregistrement forcé de tous les Chinois du Canada, ni même de la plupart d’entre eux. Mais il pourrait exiger l’enregistrement de tous les Canadiens considérés comme étant sous l’influence du gouvernement chinois (et d’autres gouvernements). Cette mesure ne serait peut-être pas aussi sévère que la loi sur l’immigration chinoise de 1923, mais elle constituerait tout de même une forme d’exclusion aussi inacceptable aujourd’hui que l’était la loi d’exclusion originale il y a un siècle. D’une certaine manière, un registre moderne est pire parce qu’il suggérerait que nous n’avons rien appris des épisodes précédents de xénophobie et de discrimination à l’encontre des groupes minoritaires au Canada. Au contraire, il suggérerait que l’État canadien a toujours la capacité d’inventer des justifications pour la discrimination sélective de ses citoyens.

Une proposition très peu canadienne

En résumé, un registre de transparence sur l’influence étrangère ne s’attaquera pas aux actes flagrants d’ingérence d’États étrangers tels que le piratage informatique, et le harcèlement et l’intimidation des Canadiens. Il ne réduira pas l’influence étrangère et n’aidera pas à faire la distinction entre les formes malveillantes et non malveillantes de cette influence. En revanche, il étouffera le débat politique légitime, stigmatisera certains groupes et encouragera le repli sur soi. Les coûts d’un registre dépasseront de loin ses maigres avantages. Adopter un registre maintenant, c’est céder à la politique de la peur et de la division. Il en résultera un Canada plus petit, plus méchant et plus égocentrique.

Si un registre est inévitable, il doit s’appliquer à tous les pays de la même manière et se fonder sur des accords précis, comme des accords de paiements monétaires entre des personnes ou des organisations et un État étranger, plutôt que sur des accords hypothétiques ou présumés.

L’enregistrement ne devrait être exigé que pour les activités de lobbying auprès des fonctionnaires et des hommes politiques, et non pour les activités privées ou les communications générales. Il ne devrait pas être fondé sur le pays d’origine, l’appartenance ethnique, les affiliations à la société civile et aux milieux d’affaires, ni sur les opinions d’une personne. Dans la mesure où un registre vise à rendre transparentes les activités d’influence étrangère, il devrait s’accompagner d’une transparence totale de la part du gouvernement dans la description des types d’activités d’influence jugées malveillantes et de la manière dont le registre réduirait ces actes répréhensibles.

En espérant que vous réviserez votre position sur le registre visant la transparence en matière d’influence étrangère, je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mes salutations distinguées.


L’honorable Yuen Pau Woo

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