Discours du sénateur Ravalia à l'occasion du 100e anniversaire de la loi sur l'exclusion des Chinois

Honorables sénateurs, c’est un plaisir pour moi de prendre la parole aujourd’hui au sujet de l’interpellation du sénateur Woo. L’objectif est double : célébrer les contributions inestimables des Canadiens d’origine chinoise, tout en réfléchissant aux préjugés, à l’exclusion et à la discrimination dont ils sont depuis toujours victimes.

J’aimerais remercier les sénateurs Jaffer, McCallum, Simons, Oh et Kutcher d’avoir parlé de cet enjeu crucial ainsi que, bien sûr, tous les intervenants d’aujourd’hui.

Les contributions de la communauté chinoise de Terre-Neuve-et-Labrador constituent un aspect important, mais souvent négligé, de l’histoire de notre province. La communauté chinoise joue depuis le début un rôle vital dans le modelage de notre tissu culturel, économique et social.

Les premiers immigrants chinois sont arrivés à Terre-Neuve-et-Labrador dans les années 1890, et la nouvelle s’est répandue dans tout St. John’s que deux immigrants chinois allaient ouvrir une blanchisserie. Au cours des décennies suivantes, la ville et la province ont continué d’attirer des immigrants chinois.

Chers collègues, c’était à une époque où presque toute la population de Terre-Neuve était blanche, chrétienne et anglophone. En 1906, la province a adopté une loi sur l’immigration chinoise, l’Act Respecting the Immigration of Chinese Persons, imposant une taxe de 300 $ par immigrant chinois arrivant sur le territoire de la colonie. Ce montant représentait de une à trois années de salaire et constituait un obstacle important à l’immigration chinoise. Malgré les défis et les préjugés auxquels les Terre-Neuviens d’origine chinoise devaient faire face, la persévérance et la force de cette communauté sont demeurées remarquables et sa contribution à la société et à la croissance de Terre-Neuve est demeurée exceptionnelle.

Dans les années 1920, la communauté chinoise a commencé à ouvrir des restaurants et on sait aujourd’hui qu’elle a contribué à bâtir la culture des sorties au restaurant dans la province. Les premiers restaurants chinois servaient des mets que les Terre‑Neuviens connaissaient et appréciaient, comme le poisson-frites et le poulet rôti. En même temps, les immigrants chinois cuisinaient toujours des plats issus de leur culture à la maison et avaient de la difficulté à trouver les ingrédients traditionnels nécessaires à leur préparation. En 1968, au centre-ville de St. John’s, Mary Jane’s a été le premier magasin d’aliments naturels à offrir certains aliments d’origine chinoise. De nos jours, il y a de nombreuses épiceries à St. John’s pour servir cette communauté grandissante et florissante.

Quand Terre-Neuve s’est jointe à la Confédération, en 1949, la taxe d’entrée imposée aux Chinois a été éliminée. Les changements apportés à la politique en matière d’immigration en 1967 ont diversifié le profil professionnel, les origines et les pratiques des immigrants chinois qu’accueille Terre-Neuve-et-Labrador et ces immigrants travaillent aujourd’hui dans les secteurs de la santé, des sciences, de l’ingénierie, des mines et des pêches.

En 1976, l’Association des Chinois de Terre-Neuve-et-Labrador a été créée pour promouvoir la culture et les traditions chinoises dans l’ensemble de la province et encourager les communautés à préserver et à célébrer leur patrimoine chinois. L’association est gérée par des bénévoles qui organisent des activités dont ils font la promotion, comme les festivités du Nouvel An chinois, des spectacles et des services commémoratifs. En 1981, en collaboration avec ses partenaires communautaires, l’association a érigé un monument commémoratif dans le cimetière Mount Pleasant de St. John’s pour rendre hommage à la communauté chinoise ayant immigré à Terre-Neuve à compter des années 1890.

Dans un autre secteur de St. John’s, un autre monument commémoratif rend hommage aux 300 hommes chinois qui ont dû payer la taxe d’entrée à Terre-Neuve. Ce monument a été édifié en 2010 par l’organisation Newfoundland and Labrador Head Tax Redress, un groupe qui s’emploie à renseigner le public sur ce sombre chapitre de notre histoire et à en préserver le souvenir. Le monument est érigé sur le site de la première buanderie chinoise de St. John’s, qui a ouvert ses portes en 1895.

En 2006, le premier ministre provincial de l’époque, Danny Williams, a présenté les excuses officielles du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador pour la taxe d’entrée imposée aux Chinois.

Aujourd’hui, la communauté chinoise représente 1,3 % de la population de St. John’s, soit environ 1 500 personnes, et elle est la plus grande minorité visible. On dénombre environ 2 300 personnes d’origine chinoise à Terre-Neuve, soit 0,5 % de la population de la province. Malgré ces nombres apparemment modestes, la communauté chinoise de Terre-Neuve est forte, active et très influente.

Je suis également fier de dire que la croissance de l’Université Memorial soit à l’origine d’une augmentation de l’immigration chinoise à Terre-Neuve, les étudiants et les universitaires étant attirés par la province pour y faire leurs études et nous éduquer par la même occasion.

Les membres de la communauté ont continuellement apporté leurs traditions à Terre-Neuve-et-Labrador et ont généreusement partagé leur culture avec la communauté non chinoise. Récemment, des membres de la communauté ont fait découvrir la musique traditionnelle à des spectateurs de St. John’s grâce à des spectacles mettant en vedette le guzheng, un instrument traditionnel. Le YY Guzheng Ensemble se produit pour le public de St. John’s et propage l’amour de la musique chinoise dans toute la communauté. Le groupe est composé de 15 membres, allant de jeunes adolescents à des septuagénaires, qui partagent un même amour de la musique et de la tradition.

Honorables sénateurs, malgré le chapitre sombre et les difficultés incroyables auxquelles la communauté a été confrontée, elle fait aujourd’hui partie intégrante de l’histoire de notre province. Les immigrants chinois et leurs descendants continuent de jouer un rôle crucial dans notre développement économique, culturel et social. Leur héritage de résilience et de détermination témoigne de l’importance de reconnaître et de corriger les injustices historiques, comme la taxe d’entrée, tout en célébrant la riche diversité qui fait de ma province bien-aimée un endroit unique et inclusif où il fait bon vivre. Merci, meegwetch.

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