Discours du sénateur Oh à l'occasion du 100e anniversaire de la loi sur l'exclusion des Chinois

Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui au sujet de l’interpellation no 11, qui porte sur le 100e anniversaire de la Loi d’exclusion des Chinois. Cette interpellation a été lancée par mon collègue, le sénateur Yuen Pau Woo.

Tout d’abord, je veux remercier le sénateur Woo d’avoir pris l’initiative de mener cette conversation importante et opportune au sein de la Chambre rouge, qui, comme vous le savez tous, souligne de manière cruciale une loi profondément préjudiciable, la Loi de l’immigration chinoise, également connue sous le nom de Loi d’exclusion des Chinois. Certains de nos honorables collègues ont déjà parlé des effets néfastes de la loi d’exclusion sur la communauté sino-canadienne. J’ai été profondément touché par l’esprit d’alliance qu’ils ont exprimé dans leurs discours concernant cette interpellation, notamment les sénatrices Jaffer et McCallum.

Malheureusement, la cruauté de cette loi est inimaginable pour de nombreux sénateurs. Nous savons trop bien que l’histoire de notre pays est entachée de périodes d’exclusion et d’actions répréhensibles. Néanmoins, permettez-moi de vous rappeler les mesures discriminatoires de la loi.

Dans les faits, la Loi sur l’immigration chinoise interdisait l’immigration chinoise. En conséquence, des familles ont été déchirées, des occasions ont été perdues et la vie autonome a été détruite. Les Canadiens d’origine chinoise ont également été privés de la pleine citoyenneté dans leur pays d’adoption. Cependant, cette communauté n’a jamais succombé, malgré les difficultés systémiques. Les Canadiens d’origine chinoise ont constamment démantelé et surmonté les obstacles grâce à une résilience et une détermination exceptionnelles.

En 1947, la liberté de mouvement est revenue et le droit à la citoyenneté a été rétabli. En 1948, nous avons lentement commencé à obtenir le droit de vote. Au cours des années suivantes, nous avons renoué avec nos parents et reconstruit nos familles. Plus important encore, nous avons prospéré et nous avons contribué au développement économique et social du Canada.

Je n’ai aucun doute, honorables collègues, que le Canada ne serait pas le merveilleux pays qu’il est aujourd’hui sans la résilience de la communauté sino-canadienne et d’innombrables autres communautés minoritaires. Malheureusement, malgré tout le temps qui a passé depuis, il arrive qu’on oublie des leçons et que la société régresse. Il y a 75 ans, une inégalité systémique a entraîné une montée du racisme anti-Chinois. Aujourd’hui, en raison de la pandémie et d’enjeux géopolitiques, la communauté asiatique du Canada est ciblée une fois de plus.

Au cours des trois dernières années, on m’a souvent fait part d’un sentiment désolant. Pour résumer, je dirais que des gens voient des parallèles entre notre époque et ce qui s’est passé il y a 100 ans. Les membres de la communauté asiatique qui ne sont pas impliqués se sentent coincés par des questions politiques. Ils se retrouvent coincés entre leur amour pour leur héritage culturel millénaire et un langage politique menaçant.

Je m’en voudrais de ne pas mettre en garde mes collègues parlementaires, une fois de plus, en leur demandant de veiller tout particulièrement à faire la différence entre notre communauté sino‑canadienne et ceux qu’elle critique. Il est encore plus affligeant de constater que ces critiques sont mal comprises par certains membres du public et poussées à l’extrême, ce qui se traduit en fin de compte par de la violence et de la haine. Pendant la pandémie, par exemple, nous avons été témoins de cas répétés de propos se transformant en violence dans les rues de notre grand pays.

Comme je l’ai déjà mentionné, j’ai été victime d’un épisode de haine anti-asiatique à quelques pas de la Colline du Parlement, et je subis constamment des commentaires haineux dirigés contre moi sur les réseaux sociaux. C’est toutefois le triste prix que nous, parlementaires, payons pour être des personnalités publiques. Néanmoins, les citoyens ordinaires n’ont pas accepté de recevoir des critiques aussi acerbes et des propos aussi haineux. Les critiques politiques sont interprétées à tort comme des jugements à l’égard des personnes, et je suis peiné d’entendre que beaucoup se sentent personnellement attaqués par le langage utilisé par nos politiciens.

Chers collègues, je crois que nous sommes consciencieux de nature ici au Canada. Souvenons-nous de cette grande qualité et parlons en conséquence lorsque nous exprimons notre opinion politique. Tout comme nos paroles peuvent être une force pour le bien, elles peuvent aussi être une force pour le mal.

Les Canadiens d’origine asiatique parviennent à obtenir du succès même si le racisme anti-asiatique persiste et semble même s’aggraver. Les exemples de résilience sont nombreux. Prenons l’exemple du capitaine de corvette William King Lowd Lore, qui, même si on l’a empêché à plusieurs reprises de s’enrôler dans la Marine royale canadienne, a fini par marquer l’histoire en devenant le premier officier d’ascendance chinoise à faire partie d’une force navale du Commonwealth.

Autre fait positif, il est évident que les choses ont évolué. Je prends la parole aujourd’hui en tant que sénateur d’ascendance chinoise qui représente l’Ontario, dans le cadre d’une interpellation lancée par un sénateur d’ascendance chinoise qui représente la Colombie-Britannique, ce qui en dit long sur le chemin parcouru depuis 1923.

Cependant, il reste encore du travail à faire, et nous devrions constamment nous efforcer de promouvoir l’égalité et l’appréciation culturelle. Quoi qu’il en soit, je suis fier de savoir que, malgré les erreurs du passé, le Canada demeure aujourd’hui une terre d’espoir et un modèle de multiculturalisme et d’inclusion pour le reste du monde. Merci, xie xie, meegwetch.

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