Dixième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international
Honorables sénateurs, compte tenu de l’avertissement du sénateur Boehm, j’ai décidé de prendre la parole maintenant plutôt que la semaine prochaine. Par conséquent, mes commentaires risquent d’être moins organisés que je ne le souhaiterais.
Je n’ai rien à redire au résumé du président et je tiens à le remercier, ainsi que le vice-président, le sénateur Harder, et tous mes collègues, pour l’excellent travail que nous avons accompli pour produire ce rapport.
Chers collègues, le rapport porte essentiellement sur les mécanismes de notre régime de sanctions et sur la manière dont nous pourrions l’améliorer. Il aborde notamment les questions de l’administration, de la clarté des outils de sanction, de la coordination avec les alliés, de l’établissement de rapports, ainsi que de la prise en compte des conséquences involontaires.
Nous avons toutefois consacré beaucoup moins de temps à la question de l’efficacité, c’est-à-dire à la question de savoir si les sanctions fonctionnent. Sur ce point, la conclusion la plus proche que nous ayons trouvée consiste à dire que c’est « difficile à évaluer », comme le mentionne le communiqué de presse officiel.
En ce qui concerne les critères traditionnels de mesure du succès des sanctions, c’est-à-dire le changement de comportement ou la dissuasion d’un mauvais comportement à l’avenir, je n’ai pas entendu un seul témoin affirmer sans équivoque que les sanctions avaient été couronnées de succès. En revanche, on nous a dit que les sanctions peuvent être considérées comme efficaces sur la base d’un certain nombre d’autres critères non traditionnels. Il s’agit notamment du désir de punir, de la nécessité de faire preuve de solidarité avec les alliés et de la nécessité de faire écho à l’opinion publique.
Malheureusement, ces critères non traditionnels ne sont pas ceux que nous avons donnés comme raisons officielles pour imposer des sanctions. Il s’agit peut-être des véritables raisons pour l’imposition par le Canada de sanctions, mais si c’est le cas, nous devons avoir l’honnêteté de le dire.
Si je soulève cette question, c’est parce que, ces derniers temps, nous sommes devenus les champions du monde des sanctions autonomes et que nous avons peut-être oublié, comme le sénateur Boehm l’a signalé à juste titre, que le recours aux sanctions n’est qu’un des nombreux outils diplomatiques à notre disposition pour résoudre des problèmes internationaux épineux, et que ce n’est peut-être pas le meilleur outil pour tous les problèmes.
Vous connaissez le vieux dicton qui dit que l’on a tendance à utiliser l’outil qu’on a devant soi pour corriger un problème. Si vous avez une masse, c’est ce que vous utiliserez, même si ce n’est peut-être pas le meilleur outil pour la tâche.
Les sanctions représentent essentiellement une forme de contrainte économique, et c’est quelque chose qui provoque évidemment un grand ressentiment chez ceux qui en sont la cible.
Il y a prolifération du recours aux sanctions. Leur utilisation est de plus en plus répandue. On privilégie cette tactique à la mode, on en raffine les diverses formes et leur donne de l’expansion. C’est peut-être nécessaire, mais au bout du compte, cela témoigne de l’échec de la démocratie. Je doute que cette situation mérite une médaille d’or.
C’est réellement préoccupant. Nous nous vantons à travers le monde d’être les champions des sanctions autonomes. Je me demande quels nouveaux critères nous utilisons pour nous attribuer ce titre. Méritons-nous la médaille d’or parce que nous sommes solidaires de nos alliés lorsqu’il s’agit d’imposer des sanctions? La méritons-nous parce que nous sommes les meilleurs pour punir les autres? Ou la méritons-nous parce que nous sommes les meilleurs pour faire valoir l’avantage politique des sanctions, l’instinct populiste de vouloir intervenir lorsqu’une situation difficile survient? Je l’ignore. Cependant, je suis pas mal certain que nous n’avons pas encore la preuve que les critères traditionnels du changement de comportement et de la dissuasion ont été satisfaits pour justifier cette appropriation du premier prix.
Honorables sénateurs, ce problème est aggravé par un autre problème, celui de l’incohérence dans l’application des sanctions autonomes, qui, soit dit en passant, est l’une des conclusions de notre rapport, mais probablement une de celles qui ne recevront pas beaucoup d’attention. Elle est pourtant importante, car parler du problème de l’incohérence dans l’application des sanctions autonomes n’est pas qu’une simple tentative de détourner la question; ce problème sape fondamentalement la mince autorité morale sur laquelle nous nous appuyons pour imposer des sanctions en premier lieu. Ce problème fait l’objet d’une recommandation, et j’espère que nous y prêterons attention.
Les sanctions ont des conséquences réelles et à long terme pour les pays concernés, même lorsqu’elles tentent de cibler uniquement les personnes mal intentionnées. Il est difficile de s’en défaire une fois qu’elles sont appliquées, c’est pourquoi je suis tout à fait d’accord avec l’une des recommandations concernant la disposition de caducité pour les sanctions autonomes. Il s’agit là aussi d’une conclusion importante du rapport, et j’espère qu’elle fera l’objet d’une attention particulière.
Pour conclure, honorables sénateurs, la production de ce rapport a été un exercice très utile dans le cadre de notre examen législatif de la loi de Sergueï Magnitski. J’espère que le gouvernement le prendra au sérieux. Quand nous procéderons au prochain examen quinquennal ou, comme le suggère le sénateur Boehm, le prochain examen décennal, j’espère que nous pourrons dire avec une certaine satisfaction que nous avons réussi à réduire notre utilisation des sanctions et que nous employons les sanctions de manière plus judicieuse, non pas parce que nous aurons tourné le dos aux injustices dans le monde, mais parce que nous aurons trouvé un meilleur moyen de lutter contre elles. Merci.
Lisez le dixième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, intitulé Renforcer l’architecture des sanctions autonomes canadiennes : Examen législatif quinquennal de la loi de Sergueï Magnitski et de la Loi sur les mesures économiques spéciale.