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Discours de la sénatrice Jaffer à l'occasion du 100e anniversaire de la loi sur l'exclusion des Chinois

 

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de l’interpellation no 11, qui porte sur le 100e anniversaire de la Loi d’exclusion des Chinois.

Je remercie notre collègue le sénateur Woo d’avoir présenté cette interpellation et de nous avoir encouragés à parler des expériences de la communauté chinoise.

La communauté chinoise a joué un rôle déterminant dans le développement du Canada et de son identité. Honteusement, le racisme envers les Chinois est à la hausse au Canada. J’entends de nombreuses histoires inquiétantes de la part d’habitants de la Colombie-Britannique.

Honorables sénateurs, le Canada a une sombre histoire de discrimination et de mauvais traitements à l’égard de la communauté chinoise, comme le démontrent de nombreuses politiques fédérales et leurs répercussions, y compris la taxe d’entrée imposée aux Chinois en 1885, la Loi d’exclusion des Chinois en vigueur de 1923 à 1947, le déni historique du droit de vote et les attaques ciblées contre les communautés chinoise et japonaise pendant les émeutes antiasiatiques de Vancouver, en 1907. En février dernier, le sénateur Woo a décrit de façon éloquente les répercussions de ces politiques et de ces expériences sur les Canadiens d’origine chinoise, la douleur, l’humiliation et la peur qu’elles ont causées, sans oublier les séquelles de ces politiques et l’effet qu’elles ont toujours sur la communauté.

La pandémie de COVID-19 a révélé une partie des ressentiments à peine voilés qui couvent encore aujourd’hui dans la société. Il est évident que du racisme ciblé contre les Canadiens d’origine chinoise a été observé dans ma province, la Colombie-Britannique, ce qui m’attriste. Des preuves de cette réalité honteuse se trouvent dans un rapport exhaustif de 500 pages que la commissaire des droits de la personne de la Colombie-Britannique a publié plus tôt cette année. Le rapport confirme ce qui suit :

Les actes ciblés de racisme et de discrimination antiasiatiques sont devenus plus fréquents et plus graves dans l’ensemble des collectivités de la Colombie-Britannique et partout au Canada pendant la pandémie de COVID-19.

Honorables sénateurs, les faits suivants devraient tous nous alarmer et nous bouleverser. Le service de police de Vancouver a signalé qu’entre 2019 et 2020, il y a eu une augmentation de 717 % des incidents haineux visant les résidants asiatiques, notamment des insultes raciales, des graffitis racistes, des menaces verbales, du harcèlement criminel et des agressions physiques. Ainsi, un sondage réalisé en avril 2021 auprès des résidants de la Colombie-Britannique d’origine asiatique a révélé que 87 % des répondants estimaient que le racisme envers les Asiatiques s’était aggravé depuis le début de la pandémie, et 64 % d’entre eux estimaient qu’il s’était beaucoup aggravé. Il est également important de souligner que nombre de ces agressions ne sont pas signalées.

Quant aux victimes qui racontent courageusement leurs expériences, il est déchirant d’entendre leurs récits d’agressions verbales et physiques. Il s’agit notamment d’aînés comme Judy Cheung, qui a été frappée au visage par un inconnu alors qu’elle sortait d’une épicerie de Vancouver en 2021. Cette septuagénaire se sent désormais obligée de se munir d’un parapluie pour se protéger chaque fois qu’elle sort.

Honorables sénateurs, cette situation est inacceptable. Aucune communauté ni aucune personne ne devrait connaître une telle peur au Canada. Cependant, j’ai bon espoir, parce que je sais par expérience à quel point le Canada est compatissant et accueillant.

J’aimerais maintenant profiter de l’occasion pour parler des contributions inestimables des Canadiens d’origine chinoise à la Colombie-Britannique, ma province. Historiquement, les travailleurs chinois sont étroitement associés à la construction du chemin de fer du Canadien Pacifique et ont joué un rôle essentiel dans l’industrialisation de l’économie en tant que travailleurs qualifiés et semi-qualifiés dans les scieries et les conserveries de la Colombie-Britannique et aussi en tant que propriétaires de petites entreprises.

Plus récemment, les Canadiens d’origine chinoise ont apporté d’importantes contributions à la science, à la médecine, au service public, à l’art, à la littérature et à la réalisation de films au Canada. Pour ma part, je sais, sur la base de mon expérience personnelle — car j’ai passé beaucoup de temps dans les hôpitaux — que les hôpitaux de Vancouver et des environs ne disposeraient pas d’autant de ressources sans les contributions des Canadiens d’origine chinoise, en particulier pendant la pandémie.

En mettant en évidence les réalisations incroyables de Canadiens d’origine chinoise de la Colombie-Britannique, j’espère nous faire mieux comprendre leurs généreuses contributions. Je commencerai par notre ancienne collègue, Vivienne Poy, une sénatrice de l’Ontario.

La sénatrice Poy a été nommée au Sénat du Canada en 1998 par le premier ministre Jean Chrétien. Première Canadienne d’origine chinoise à être nommée au Sénat, elle a consacré la majeure partie de son mandat de 14 ans aux questions d’égalité des sexes, de multiculturalisme, d’immigration et de droits de la personne et a été la marraine du projet de loi visant à faire du mois de mai le Mois du patrimoine asiatique au Canada.

À l’extérieur du Sénat, Vivienne est une entrepreneure accomplie, une auteure et une philanthrope. Titulaire d’un doctorat en histoire de l’Université de Toronto, elle a écrit de nombreux livres et elle nous a éclairés sur des questions comme les relations sino-canadiennes et l’immigration chinoise au Canada. De plus, elle a courageusement pris la plume pour parler des difficultés personnelles vécues par sa propre famille. Depuis sa retraite du Sénat, Vivienne poursuit son travail auprès d’organismes qui visent à améliorer le sort des femmes et des filles dans les pays en développement.

Vivienne, lorsque je suis arrivée au Sénat, vous m’avez été d’une aide précieuse, et j’ai toujours apprécié notre amitié chaleureuse.

En Colombie-Britannique, il y a un homme qui nous a rendu d’énormes services. Il s’agit de David Lam, qui comprenait à la fois ce que représente la lutte contre des préjugés bien ancrés et l’espoir et la promesse d’avenir qu’offre le Canada. David Lam était le 25e lieutenant-gouverneur de la Colombie-Britannique, de 1988 à 1995, et il a été le premier Canadien d’origine chinoise à être nommé vice-royal au Canada. Il a décrit son rôle à titre de lieutenant‑gouverneur comme celui d’un « guérisseur de plaies, une sorte de médiateur entre des personnes aux visions différentes, et une personne qui est une source d’encouragement et d’inspiration ».

Le lieutenant-gouverneur Lam a émigré au Canada avec sa famille en 1967. Il est devenu l’un des principaux promoteurs immobiliers de Vancouver, où il a fini par créer sa propre entreprise. Il a contribué à attirer les investisseurs de Hong Kong à Vancouver. Il croyait fermement à la nécessité de redonner quelque chose à son pays, ainsi qu’au pouvoir de l’éducation et de la sensibilisation culturelle. En 1983, il a créé la fondation David et Dorothy Lam et la société philanthropique Floribunda. Ces deux organismes caritatifs versent chaque année des millions de dollars à des projets communautaires britanno-colombiens, comme le Jardin chinois classique du Dr Sun Yat-Sen.

Il a également financé de nombreuses initiatives en collaboration avec des universités de la Colombie-Britannique, notamment l’Institute of Dispute Resolution et l’auditorium David Lam à l’Université de Victoria, ainsi que le David Lam Centre for International Communication à l’Université Simon Fraser.

Comme le lieutenant-gouverneur Lam, Milton Wong a su concilier une carrière fructueuse dans le monde des affaires et un sens aigu de la responsabilité sociale. Il a grandement contribué à sa communauté de Vancouver dans divers domaines tels que la finance, les arts et la culture, le développement durable, le multiculturalisme et le milieu universitaire. Il a notamment fondé la Laurier Institution, un organisme à but non lucratif dédié à l’étude de la diversité au Canada.

M. Wong s’est toujours efforcé d’encourager les jeunes et les politiciens en herbe à jouer un rôle actif dans la vie politique et la communauté. Il m’a accompagné dans les moments difficiles de ma vie politique et s’est réjoui avec moi lorsque j’ai été nommé au Sénat. Il a été un véritable mentor pour de nombreuses personnes et je me souviendrai toujours de ce qu’il a fait pour moi.

En terminant, j’aimerais rendre hommage à mon amie Edith Nee, récipiendaire de la Médaille du jubilé d’or de la reine .

Parmi ses nombreuses fonctions, elle a siégé à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada et assuré la direction du Conseil de presse de la Colombie-Britannique. Edith a consacré sa carrière à statuer sur des questions relatives à l’immigration, aux réfugiés, aux pensionnats autochtones, à l’éthique de la presse et à la liberté.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Sénatrice Jaffer, je dois m’occuper d’un aspect technique.

Honorables sénateurs, il est maintenant 18 heures. Conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je suis obligée de quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, moment où nous reprendrons nos travaux, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l’heure.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, de ne pas tenir compte de l’heure?

Merci.

La sénatrice Jaffer: Honorables sénateurs, Edith s’intéresse de très près aux communautés de la Colombie-Britannique. Elle prône l’autonomisation des femmes et des minorités visibles et a même participé à titre de déléguée canadienne à la Conférence mondiale sur la condition de la femme, organisée par les Nations unies à Nairobi en 1985.

Edith Nee et Patsy George ont donné des moyens aux femmes — à des femmes issues de communautés ethniques et à des femmes de couleur — en fondant la Vancouver Society of Immigrant and Visible Minority Women in British Columbia ainsi que l’Organisation nationale des femmes immigrantes et des femmes appartenant à une minorité visible du Canada. Elles ont travaillé fort pour qu’aucune femme ne soit laissée pour compte.

En soulignant l’œuvre de ces quelques personnes, j’ai voulu rappeler à tous la générosité dont les Chinois ont fait preuve à l’égard de la Colombie-Britannique ainsi que leur amour pour le Canada en général tout en soulignant leurs réalisations et leur service public.

Honorables sénateurs, nous sommes tous conscients du débat qui se déroule au pays, et en particulier sur la Colline. J’exhorte — j’implore, en fait — chacun d’entre vous à réaliser que ce qui se passe entre le Canada et la Chine n’est pas l’œuvre des Canadiens d’origine chinoise. Nous devons veiller à ce que les relations entre ces gouvernements n’aient pas d’incidence sur nos concitoyens. Je vous exhorte tous à en être conscients et à y mettre un frein.

Merci. Profitons également de cette occasion pour rappeler que la diversité rend notre pays plus fort. Elle est la clé de notre prospérité collective. Il n’y a pas de place au Canada pour l’intolérance ou la haine. Nous ne devrions plus jamais adopter une loi telle que la Loi d’exclusion des Chinois. Nous ne devrions plus jamais traiter les Canadiens d’origine chinoise différemment des autres Canadiens. Ils font partie du Canada. Je vous remercie de votre attention.